2 mars 2006
Shotgun en berne
J'en ai rêvé en plus...
Montparnasse. 3 noms qui se découpent sur une tombe vide de fleurs (étrange, ce n'est pas l'habitude) : Olga, Joseph et Lucien Ginzburg. Je courrai dans Paris, voulant à tout prix y être pour 9h du matin. Mon frère et ma soeur sont là, ils jouent entre les tombes, je leur intime d'arrêter, ils ne veulent pas. Alors je les frappe avec une fleur qui est soudainement apparue. Ma belle-mère m'engueule, of course. Je lui redonne ses braillards et ils vont dans un restaurant. Je me retrouve toute seule devant les noms, ça y est, les larmes roulent, tout doucement. Je n'avais pas imaginé pleurer comme ça, je pensais plutôt que ça serait cardiaque, nerveux et bouillonant, alors que c'est calme, doux et intime. Un jeune garçon arrive, m'essuie les yeux et va s'asseoir sur un banc. On parle de Lui, on s'émerveille. Puis d'autres fans arrivent, que des femmes. Ils installent une télévison à écran géant sur le côté gauche de la tombe, des bancs sont installés, un lâché de clopes organisé, et l'écran se met en marche. Des films, des péplums, ses films, Bardot, Karina, Brialy. C'est un requiem pour Anna. Puis mes frères et soeurs réapparaissent. alors je cours encore dans Paris pour retrouver ma belle-mère et lui gueuler après pour me laisser cette journée à moi, rien qu'à moi, pour une fois. Elle me dit qu'elle les récupère à 2h. Le cimetière fait garderie. J'ai faim, alors je m'installe dans le restaurant, et je pique à manger dans l'assiette de mon père qui ne dit rien. Puis je me rends compte que l'heure a dépassé. Je cours de nouveau, je me perds, je demande mon chemin. On m'envoie prendre un bateau mouche, une femme arrive, seins nus dans un corset, elle ressemble à Vanessa Paradis avec plus de poitrine. J'arrive de nouveau au cimetière. Plus personne, plus de fleurs, plus d'écran, plus de jeune homme, plus de fans, plus de frères et soeurs. Je m'inquiète, je pleure. Je fume nerveusement puis je ris.
Je me suis réveillée à cet instant, frigorifiée et les larmes aux yeux, la gorge sèche. Je suis exécrable aujourd'hui.
Hier dans la voiture, ma mère cherche une radio à écouter, je lui frappe le bras violemment lorsque j'entends quelques notes de "La ballade de Johnny-Jane". Puis elle me demande quel est mon premier CD écouté, mon premier flash gainsbourien, l'année. J'étais en quatrième, je venais de me faire larguer, je suis rentrée chez moi, toute seule à la maison. J'ai pris un CD dans la pile de mes parents : Version Jane. Pochette gris-bleue, femme en jean et tee-shirt blanc qui se recoiffe tout en riant avec des dents blanches parfaites. Ca me plait. Je le pose. Et c'est l'apothéose. Quand j'en viens à "Comment te dire adieu" et "physique et sans issue", j'ai l'impression que c'est écrit pour moi, que j'aurai pu le dire. Pour la première fois je chante, j'apprends les paroles, j'adopte un accent anglais et j'essaye d'applatir mes seins avec mes mains. Au fur et à mesure des soirs où je rentre seule, j'apprends. Il y a seulement ce disque et un best-of de Serge Gainsbourg. Bonne claque sur "Black Trombone", je chiale sur "La chanson de prévert", je me prends pour France Gall à rire sur "Pauvre Lola", je me tortille les cheveux sur "Elisa", je veux fumer pour "Dieu est un fumeur de gitanes", j'insulte les cons, je gémis, je blémis, je chiale et je ris. Un an après je m'achète avec mes tunes mon premier CD, je l'écoute pas, ça me fait peur. Puis je cède, et évidemment je pleure. Au salon du livre de Paris j'achète les livres regroupant ses textes que j'annote. A un Noël mes parents m'offrent une visite surprise au 5bis, rue de Verneuil. Je suis submergée et je pleure, encore. D'années en années, j'apprends, toujours. Je n'ai pas tous ses disques car c'est trop éprouvant, je ne collectionne plus toutes ses photos, mais je chiale encore devant des photos de sa tombe, et hier j'ai acheté Libération pour la première fois de ma vie.
*Oreille*Exercice en forme de Z*Jane Birkin
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