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Shotgun
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23 avril 2006

Le sourire était de circonstance

Réveillée bien trop tôt, dormie pas assez, tête dans le cul. Réveillée par le putain de proprio et sa voix de stressé de la vie à travers la porte, nous invite à une paëlla. Dans le cul la paëlla, j'ai jamais aimé les crustacées et les gens qui me réveillent. Et puis Justine revient ce soir, raison de plus pour rester le cul sur la chaise, et éclaircir ce message louche... Alors du coup je vais mettre à profit mes heures où je vais pas dormir pour faire ménage, devoir, lecture, écoute, ce que je ne fais plus que rarement ces derniers temps entre la fatigue et la fatigue.

Descente nocturne dans Grenoble, ça faisait longtemps que j'avais pas loupé le dernier tram pour rentrer à pieds. Vu fingersmith pas mal comme adaptation, très fidèle au bouquin, jusqu'au choix des acteurs, mais comme le livre, reste bien trop romanesque avec retournement de situations à te foutre la nausée, et musique gnangnante. Entourée de lesbienne venue en couple, et moi seule qui pense à la mienne en les regardant. De la plus âgée dont on soupçonnerait pas un instant qu'elle bouffe des chattes, à celle ultra sophistiquée en talons aiguilles et maquillage bien trop parfait, traînant par la main son opposé qui ressemble plus à un mec qu'à une fille, en passant par celle qui fait un peu plus rock avec sa coiffure destructurée, son chewing-gum mâché inlassablement et bruyamment, seule dans son coin les yeux fixes sur l'écran. Clichés sur clichés on dirait. Et finalement ne pas tout à fait se sentir à sa place, se sentir mieux entre les mecs gays, pas ses regards scrutateurs sur mes hanches, mes jambes et ma nuque, comme un bout de viande à l'abattoir. 17 mai, journée contre l'homophobie à Grenoble.

Je baille à gorge déployée, et j'ai les yeux gonflés, les cheveux en bataille, mon thé n'y fait rien et les oiseaux non plus, j'ai la nuque cassée, le dos en vrac, sans doute serait-il de bon ton de me recoucher ? Mais j'ai la flemme de débarasser mon lit une fois de plus de toutes mes fringues entassées, de refermer mes volets, de faire la taupe encore une fois. Puis je me connais, je me coucherai pas plus tôt ce soir. Et puis j'ai vu ces petites vidéos de Placebo, au réveil, ça fait du bien, un Special k qui se fredonne.

Comme les bonnes vieilles fois chez Sarah. Avachies sur son canapé d'angle, chacune dans un coin, la télé sans le son sur Disney Chanel ou AB1, et Placebo à fond, à se battre pour savoir lequel mettre. Le deuxième mon préféré, le troisième son préféré. Boire du Get au lait à 2h du mat', se faire cuire des steaks à 4h, faire des crêpes à 5h, si on tient encore debout avec nos verres enfilés en collier de perles, si il reste du lait, sinon ça sera vodka pour moi, martini pour elle. Et toujours nous qui gueulons à tue-tête les paroles, moi qui me trompe car je comprends pas l'anglais, et elle qui fait magnifiquement bien les "Black-Eyed" enfermée dans les chiottes à dégueuler ses tripes et moi qui m'enfourne des crêpes vaille que vaille, vacillant les yeux fermés avec mes lunettes de soleil jusqu'à la salle de bains. Si on a un peu de chance on se rendormira sur le canapé à midi, les yeux cernés et les corps fatigués, et si on coup de folie nous prend, nous essayerons de gravir les escaliers pour monter jusqu'à la mansarde et se coucher dans un matelas, au pire ça sera moi dans la baignoire habillée, un ultime verre vide dans la main droite et elle recroquevillée dans les toilettes.

Depuis quelques temps, mes souvenirs ne sont plus nostalgiques. Je les bois avec envie, et je les recrache sans mépris et aigreur. Sauf ceux de la famille à mon père, on ne peut pas tout faire... Déjà un an que papi est mort. Et ces images gravées sous mes yeux. Moi qui arrive par le train après 5h de voyage les yeux dans le vague à essayer d'imaginer. Mais rien qui ne se concrétise. Ma phrase de l'époque "Le sourire est de circonstance". Coralie digne d'être ma soeur, le regard haut, le front dégagé, les yeux clairs de lucidité, le dos droit, fier, cachant tout sous des dehors de maîtrise de soi. En vain. On craquera dans la voiture, le voyage silencieux jusqu'au cimetière, à se serrer les mains tout en écoutant le dernier album de PJ Harvey dans notre walk-man après être passée à l'hospice funéraire. On n'avait pas voulu aller voir son corps avant d'aller dans la fournaise, ma belle-mère en revient les yeux rougis, première fois que je vois ça, cette femme revêche qui flanche, et ses larmes donnent libre cours aux miennes, devant tous ces gens qui essayent de savoir ce que je deviens. Après tout, c'est vrai, ça fait 3 ans que je ne les ai vu. Et depuis l'enterrement, je ne les ai pas revu. Mes grands-parents du côté de ma mère qui sont là aussi, à jeter une ultime fleur séchée et colorée sur un cercueil en bois couleur miel, son nom et ses dates qui s'étalent sur la stèle. Anthime qui s'écroule, le petit frère de 11 ans dans mes bras qui se mouche dans mon cou, sa petite main qui serre la mienne à en faire mal. Le visage impassible de mon père. Comme j'aurai aimé qu'ils pleurent lui et son frère. Mais rien... Et moi qui vais chercher sa chaleur, jamais eu autant besoin de ses bras. Première fois qu'il me tenait fort contre lui à me réconforter, première fois qu'il a tenu son rôle de père. Puis bien sûr ensuite, tout le monde au bar à se raconter leurs dernières nouvelles, moi qui sourit sans entrain, ma grand-mère épuisée, un oeil au beurre noir, étant tombée dans les pommes le jour où elle a appris, toute cette famille que je ne connais pas et qui me prend pour ma mère tellement la ressemblance est frappante, et la gêne de ma belle-mère. 10 ans qu'elle vit avec mon père, mais tellement insignifiante qu'elle passe inaperçue aux yeux de cette famille qui l'exècre. Et en ce jour faste, j'en tire un certain plaisir. L'hypocrisie du malheur. Le soir dormir, un peu apaisée après les rapaces qui harcèlent ma grand-mère pour avoir un certificat pour bien prouver à leur patron qu'ils n'étaient pas partis en week-end prolongé, mais bien à un putain d'enterrement. Contre mon parrain que j'ai vu 4 fois dans ma vie, je m'endors et le lendemain je m'en vais, la mine déconfite, les yeux asséchés et un peu plus rétrécis.

La café tourne, Aissam est levé, je vais pouvoir foutre la musique à fond pour enlever les miettes du cerveau qui s'accrochent cruellement, sans toutefois former des vagues dans l'iris. Je n'en pleure plus. Je ne pleure plus. Je suis redevenue passive, et j'aime cet état. Fini la nervosité, je suis reposée, mais meurtrie de partout, le corps affaibli. L'est plus que temps de se relever pour de bon et de reprendre les habitudes de l'année dernière. Tout est bien.

monroe

~ Oreille ~ Habina ~ Rachid Taha

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